Abba Eban, grande figure de la gauche israélienne

Il y a exactement 19 ans, l’ancien diplomate, ministre et député israélien de premier plan, Abba Eban, est décédé à Tel Aviv. Il avait 87 ans. Orateur hors pair, il a joué un rôle majeur dans la vie politique israélienne.

Durant sa carrière, il a occupé les fonctions de ministre des Affaires étrangères, ministre de l’Éducation et vice-Premier ministre d’Israël. Il a été le deuxième ambassadeur d’Israël aux États-Unis et le premier délégué permanent d’Israël auprès de l’Organisation des Nations Unies. Il a également été vice-président de l’Assemblée générale des Nations Unies et président de l’Institut Weizmann.

Abba Eban est né en 1915 à Cape Town, en Afrique du Sud, de parents originaires de Lituanie, qui avaient ensuite vécu en Angleterre. Il s’appelait alors Aubrey Solomon. En 1920, sa famille est retournée vivre à Londres. Son père, Meir Solomon, est décédé et sa mère s’est remariée avec le Dr Yitshak Eban. Le jeune Abba a grandi dans un foyer attaché aux valeurs juives et sionistes. Sa mère était la secrétaire de Nahum Sokolov (1859-1936), président de l’Organisation Sioniste mondiale et porte-parole du mouvement.  

Au cours de son brillant cursus universitaire, Abba Eban s’est spécialisé, à l’Université de Cambridge, en langues sémitiques (hébreu et arabe) ainsi qu’en persan, et a fait de la recherche. Il a étudié entre autres l’influence de l’arabe sur la littérature médiévale et a donné des conférences sur l’âge d’or de la littérature hébraïque en Espagne. Pendant son séjour à l’université et par la suite, Eban a été très impliqué dans la Fédération de la jeunesse sioniste et a été rédacteur en chef de sa revue idéologique, The Young Zionist.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a servi comme officier des renseignements au sein de l’armée britannique, d’abord au Caire (où il a rencontré Suzy, sa future épouse) puis à Jérusalem, où il s’est installé à la fin de la guerre. Parmi ses diverses fonctions, il a assuré la liaison entre les services de renseignement britanniques et les dirigeants sionistes en Eretz Israël. À la fin de la guerre, après sa libération de l’armée britannique, il a immigré en Eretz Israël (1946) et a rejoint le département politique de l’Agence juive. Il était l’officier de liaison de l’Agence juive auprès du Comité de l’UNESCO.

Eban a été le bras droit de Moshe Sharett et de Haim Weizmann dans la lutte politique et diplomatique qu’ils ont menée pour faire adopter le plan de partage de l’Onu, finalement accepté en novembre 1947. Il a ensuite continué à travailler à Washington et à New York. Après la création de l’État d’Israël, il est devenu le représentant d’Israël aux Nations Unies et un an plus tard, à l’âge de 33 ans, il a été le premier ambassadeur de l’Etat d’Israël à l’Onu. Il a occupé ce poste de 1949 à 1959. En 1952, il a été promu au poste de vice-président de l’Assemblée générale de l’Onu.

En mai 1950, à l’âge de 35 ans, Abba Eban a été nommé ambassadeur d’Israël aux États-Unis, tout en conservant ses fonctions d’ambassadeur aux Nations Unies. Pendant ses années d’activités à l’Onu et à Washington, Abba Eban a donné forme à la diplomatie israélienne et à la Hasbara (qui consiste à expliquer et à justifier la politique israélienne). C’est sous son mandat qu’a été obtenue la première aide économique américaine en faveur de l’Etat d’Israël et c’est également sous son impulsion qu’est né le lobby pro-israélien AIPAC.

En mai 1959, Abba Eban a reçu la citoyenneté israélienne. Lors des élections de 1959 pour la quatrième Knesset, il a été élu pour la première fois député, représentant le Mapaï*, et nommé ministre sans portefeuille dans le gouvernement de Ben Gourion. De 1960 à 1963, il a été ministre de l’Éducation dans le gouvernement de Ben Gourion, et de 1963 à 1966, il a été vice-premier ministre sans portefeuille dans le gouvernement de Levi Eshkol. En outre, de 1958 à 1966, il a été président de l’Institut Weizmann.

À partir de 1966, il a été ministre des Affaires étrangères dans les gouvernements d’Eshkol et de Golda Meir et a été maintenu à ce poste jusqu’en 1974.

Au cours de son mandat de ministre des Affaires étrangères, il a été au centre de l’activité diplomatique au moment de la guerre des Six Jours, et dans le cadre de ses efforts pour tenter d’éviter le déclenchement de la guerre, il a rencontré le président français Charles de Gaulle qui a exigé qu’Israël ne lance aucune action militaire, et a imposé, après la guerre, un embargo militaire contre Israël.

Après la guerre des Six Jours, Abba Eban a participé à la rédaction de la résolution 242** du Conseil de sécurité de l’ONU. Après la guerre de Kippour, il a représenté Israël lors de la préparation de la résolution 338***. Suite à cette décision, il a dirigé la délégation d’Israël à la Conférence de Genève. Il a continué à assumer ses fonctions de ministre des Affaires étrangères dans un gouvernement formé en mars 1974 après la guerre de Kippour, mais le Premier ministre Golda Meir a démissionné un mois après la mise en place de son gouvernement, cédant à la pression du public.

Lors des primaires du Parti travailliste pour la 12e Knesset, tenues en 1988, Abba Eban n’a pas obtenu une bonne place sur la liste et a préféré se retirer de la course. Il a été nommé président du conseil d’administration de Beit Berl et a occupé ce poste pendant plusieurs années. Après s’être retiré de la vie politique, il a consacré son temps à l’écriture et à l’enseignement et a donné des conférences.

En 2001, le prix Israël a été décerné à Abba Eban pour l’ensemble de ses réalisations et pour sa contribution spéciale à la société et à l’État. Etant déjà très malade, il n’a pas pu se déplacer et c’est son épouse qui a reçu le prix à sa place. Abba Eban est décédé le 12 Kislev 5763, 17 novembre 2002, et a été enterré dans le cimetière de Kfar Shmaryahou.

Abba Eban et son épouse Suzy, qui était la sœur de Aura Herzog, épouse de l’ancien président Haïm Herzog, ont eu trois enfants: Elie, né en 1950, Guila, née en 1954, et une autre fille, née en 1952, décédée dans sa toute première enfance. (Source: Wikipédia)

*Le Mapaï était un parti de gauche, sioniste et socialiste, fondé en Israël sous le mandat britannique en 1930. Cette formation politique, née de l’union des jeunes travailleurs, a joué un rôle central au cours des premières années du jeune Etat d’Israël, étant le seul parti au pouvoir. Cette hégémonie a pris fin en 1977 lorsque le Likoud, conduit par Menahem Begin, a gagné les élections pour la neuvième Knesset.

**La résolution 242 est une résolution du Conseil de Sécurité de l’Onu votée le 22 novembre 1967, juste après la guerre des Six Jours, visant à contraindre Israël à se retirer de(s) territoires conquis.

***La résolution 338, votée le 22 octobre 1973, appelait à un ‘cessez-le-feu et à des négociations pour une paix juste et durable au Moyen-Orient’. Elle réaffirmait la validité de la résolution 242.