Aaron David Gordon, idéologue de la deuxième Aliya

On va marquer cette semaine en Israël le centenaire de la disparition d’Aaron David Gordon,  décédé le 24 Chevat 5682, 22 février 1922, en Israël. Gordon était actif dans le mouvement sioniste et a même participé au Congrès sioniste de 1911. Penseur, écrivain et éducateur, il a exercé une grande influence sur des personnalités de premier plan telles que Yossef Haim Brenner, Martin Buber, Berl Katznelson, et la poétesse Rah’el.

Il fait partie des idéologues du mouvement des travailleurs juifs et son œuvre aurait contribué à la création des Kibboutzim. Dans un article qui lui est consacré dans le journal israélien Makor Rishon, le journaliste Yaïr Sheleg souligne que Gordon occupe une place privilégiée parmi les nombreux idéologues du siècle dernier, ‘surtout ces vingt-cinq dernières années’. En effet, indique-t-il, ‘une vingtaine d’ouvrages, évoquant d’une façon ou d’une autre son œuvre, ont été publiés au cours de cette période’.

« Mais, ajoute-il, lorsqu’on parle de Gordon,il ne s’agit pas seulement de livres. De nombreuses Meh’inot (institutions) prémilitaires non religieuses s’intéressent à nouveau à sa personnalité et un certain nombre de jeunes ont ainsi découvert le personnage, la plupart pour la première fois. L’une d’entre elles va même plus loin : depuis quelques temps, elle organise chaque année un événement en son honneur. En outre, un animateur d’une émission de radio propose une soirée sur Gordon dans l’un des pubs de Tel Aviv ».

Autre précision sur la biographie de Gordon: il était, parmi les idéologues de la deuxième Aliya, le plus universaliste d’entre eux et contrairement à ses contemporains, il n’a pas rejeté le monde religieux. Sa pensée était tournée notamment vers la nature et le travail manuel.

Gordon pensait que toute la souffrance juive pouvait être attribuée à l’état parasitaire des Juifs au sein de la diaspora où ils ne pouvaient pas participer à un travail créatif. Pour y remédier, il a cherché à promouvoir le travail physique et l’agriculture comme moyen d’élever spirituellement les Juifs. C’était l’expérience du travail, croyait-il, qui reliait l’individu aux aspects cachés de la nature et de l’être, qui, à leur tour, étaient la source de la vision, de la poésie et de la vie spirituelle. Il estimait aussi que travailler la terre était une tâche sacrée, non seulement pour l’individu, mais pour l’ensemble du peuple juif. L’agriculture unirait le peuple à la terre et justifierait sa pérennité là-bas. Selon ses propres mots : « La Terre d’Israël est acquise par le travail, non par le feu ni par le sang. »  

Aaron David Gordon, né en 1856 à Troyanov, dans l’empire russe, aujourd’hui en Ukraine, était le fils unique de parents juifs orthodoxes assez aisés. Autodidacte en études religieuses et générales, il parlait plusieurs langues. Pendant trente ans, il a géré un domaine où il s’est avéré être un éducateur charismatique et un activiste communautaire. Gordon a épousé très jeune sa cousine, Faige Tartakov, et le couple a eu sept enfants. Malheureusement, seuls deux d’entre eux ont survécu.

Gordon, l’un des premiers membres du mouvement ‘Hibbat Sion’, est monté en Palestine, alors sous domination ottomane, en 1904, à l’âge de 48 ans. Sa fille Yael l’a suivi en 1908 et sa femme l’a rejoint l’année suivante. Quatre mois après son arrivée au pays, l’épouse de Gordon est tombée gravement malade et est décédée. Gordon a vécu à Petah Tikva et Rishon LeZion, avant de s’installer en Galilée en 1912. Il s’est plus tard établi définitivement à Kevutzat Degania, près du lac de Tibériade. Il vivait simplement, travaillant comme ouvrier agricole, et rédigeait la nuit son œuvre philosophique.

Gordon a été grandement influencé par l’auteur russe Léon Tolstoï, ainsi que par le mouvement hassidique et la Kabbale. Beaucoup ont également trouvé des parallèles entre ses idées et celles de son contemporain, le Rav Abraham Isaac Kook, père spirituel du sionisme religieux.

Gordon est décédé d’un cancer de la gorge au kibboutz Degania Alef en 1922 à l’âge de 66 ans.

* La deuxième Aliyah a eu lieu entre 1904 et 1914. Au cours de cette période, près de 35 000 Juifs ont immigré en Palestine sous domination ottomane, principalement de l’Empire russe, et certains du Yémen.