« Voir autrement »: le parcours remarquable d’Avih’aï Shelli

On ne peut qu’être admiratif devant le parcours remarquable d’Avih’aï Shelli, 38 ans, marié et père de deux enfants, auquel le journal israélien Beshéva, hebdomadaire du site d’Aroutz Sheva, consacre une rubrique dans sa dernière édition.  (Photo Besheva)

Avih’aï Shelli a perdu l’ouïe puis la vue au cours de son enfance. Electricien de formation, il est également conseiller financier et conférencier. Mais ce n’est pas tout : malgré son lourd handicap, il a réussi, grâce à sa volonté, sa grande intelligence, et sa fabuleuse mémoire, à remporter il y a vingt ans, le concours biblique international (2002) qui a lieu chaque année à Jérusalem.  

Sur le site qu’il a créé, au titre évocateur, « voir autrement », il parle de sa vie et de ses ambitions. Avih’aï, deuxième d’une fratrie de cinq enfants, admire tout particulièrement la persévérance de son père, Issachar, 69 ans, qui n’a jamais baissé les bras devant les difficultés de son fils et a mené une lutte incessante pour assurer son avenir malgré l’indifférence des responsables. Sa mère, Irit, 65 ans, est une jardinière d’enfants aimée de tous, à Netivot. Avih’aï voue une reconnaissance et une admiration sans limites à ses parents, qui l’ont toujours soutenu et lui ont transmis des valeurs inestimables.

C’est à l’âge de deux ans qu’Avih’aï a perdu l’ouïe, suite à des complications d’une maladie dont il avait été atteint. Les médecins qui l’ont suivi ont décrété alors qu’il ne pourrait jamais plus entendre et il a été considéré, jusqu’à l’âge de quatre ans, comme un enfant sourd-muet. Fort heureusement, le diagnostic a été révisé lorsque le professeur Rivka Carmi*, consultée par les parents de l’enfant, a déclaré, après de nouvelles analyses, qu’il n’avait pas totalement perdu l’ouïe et qu’il pourrait entendre à l’aide d’appareils auditifs. Ce qui a été fait : équipé d’un dispositif adéquat, il a pu percevoir des sons pour la première fois. « C’était un véritable miracle, se souvient-il. Ma mère m’a raconté que je me suis mis à courir dans toute la maison et à frapper avec une cuillère en criant : ‘j’entends’. Ce furent en fait mes premiers mots ».

Peu de temps après, Avih’aï a été blessé lors d’une chute dans un jardin public. Suite à cet accident, il a perdu progressivement la vue et est devenu totalement aveugle. Ses parents, qui avaient mis au monde un petit garçon en bonne santé, ont su affronter ces difficultés, faisant preuve de courage et de ténacité afin que leur fils puisse progresser dans la vie. Ils avaient la conviction que leur enfant parviendrait malgré tout à surmonter les obstacles et c’est cette foi en lui qui l’a guidé dès le départ.

Après une scolarité brillante dans une grande solitude, Avih’aï a gagné l’amitié de ses camarades au lycée qui ont enfin découvert sa véritable personnalité et l’ont apprécié à sa juste valeur. Très jeune, il a montré un grand intérêt pour le Tanah’ (Bible) et sa mère lui en lisait régulièrement des extraits. « En l’étudiant, je me suis de plus en plus attaché à ces textes et je profitais de tous mes instants de libre pour l’étudier ». Il a finalement décidé de franchir un pas de plus en se présentant au concours international.

« Il m’arrivait parfois d’étudier entre 16 et 22 heures par jour, dormant à peine ». Tous ces efforts étaient déployés pour lui permettre d’être sélectionné pour cette grande compétition. A trois reprises, il s’est présenté et malgré les progrès enregistrés, il n’a pas réussi à obtenir la note requise. Il s’est alors découragé et lors de la quatrième année, alors qu’il était en Terminale, il a annoncé à ses parents qu’il ne poserait pas sa candidature et qu’il renonçait à son rêve : « Ils n’ont rien voulu entendre, rappelle-t-il, et m’ont encouragé à persévérer, me disant : ‘Tu veux réussir ? Alors, étudie encore davantage’. Je constate à présent que cela a été un tournant décisif dans ma vie ».

Ses efforts ont été largement récompensés : il a non seulement été sélectionné mais il a également gagné le concours de l’année 5762 en obtenant 99 points sur 100.

Après ce succès impressionnant, le jeune garçon, devenu bachelier, a décidé de faire du volontariat dans le cadre de l’armée. Il a dû se battre durement pour obtenir son intégration dans une unité de renseignements. Il se souvient des obstacles qui se sont dressés devant lui : « A cette époque, l’armée ne faisait pas encore suffisamment d’efforts pour intégrer les personnes handicapées alors que ces dernières peuvent tellement apporter à l’Etat ».  

Après l’armée, Avih’aï a entamé des études et obtenu une licence en gestion des affaires à l’université Ben Gourion. Il a ensuite poursuivi son cursus jusqu’à la maitrise en droit, qu’il a passée avec succès à l’université Bar Ilan. Il a alors trouvé du travail dans la finance et a été chargé des dossiers de clients au sein de la société d’investissements Psagot. « J’étais le premier aveugle, dans tout le pays, qui voulait devenir courtier et je devais constamment prouver que j’en étais capable et que j’étais compétent ». Il n’en est pas resté là, d’ailleurs, et cela fait maintenant six ans qu’il est conseiller financier pour des sociétés internationales.

Depuis un certain nombre d’années, Avihaï donne des conférences dans tout le pays : « Dans mes interventions, je n’apporte rien de nouveau. Je cherche seulement à inciter les gens à croire en eux-mêmes en leur rappelant que rien ne résiste à la volonté. Je leur demande aussi d’accorder une véritable chance à tout le monde sans jamais chercher à classer qui que ce soit dans des cases ». Une approche optimiste et très inspirante !!

* Rivka Carmi est une pédiatre et une généticienne israélienne. Elle a été présidente de l’Université Ben Gourion du Néguev (BGU) de mai 2006 à décembre 2018. Carmi est la première femme nommée présidente d’une université israélienne.