Le 30 novembre 1917, 15 Kislev 5678, pendant la Première Guerre mondiale, le lieutenant Harry Levi, soldat juif de l’armée britannique, a été tué en France dans la bataille de Cambrai* au cours de laquelle 145 000 soldats britanniques ont trouvé la mort. Il a été enterré sur place dans une fosse commune.
Le jeune homme, qui n’avait que 27 ans, n’a pas pu avoir de sépulture et il est décédé sans laisser de descendance. Sa famille a donc décidé d’écrire en sa mémoire un Sefer Tora qu’elle a offert à une communauté juive d’Angleterre.
Resté inconnu pendant plus d’un siècle, Harry Levi apparait soudain au grand jour grâce à ce Sefer Tora familial qui après l’Angleterre, est arrivé récemment en Israël et a servi à plusieurs communautés qui en avaient grandement besoin. C’est dans l’une d’entre elles qu’un des fidèles l’a remarqué, grâce à la plaque en cuivre qu’il portait sur ses poignées. Il s’agit du rabbin et Dr Moshé Pinchuk, directeur du centre pour l’Héritage d’Israël au collège universitaire de Netanya.
Dans un article qu’il a publié à ce sujet dans l’hebdomadaire israélien Makor Rishon, le Dr Pinchuk a tenu à indiquer en introduction : « Le nombre des soldats juifs qui ont combattu des deux côtés, pendant la Première Guerre mondiale, oscille entre 1,3 millions et 2 millions. Plus de 170 000 d’entre eux ont été tués. Dans l’armée britannique, on comptait 60 000 combattants juifs et 2 324 d’entre eux sont tombés au champ de bataille ». Et de préciser que ces chiffres provenaient de la préface d’un livre publié en 1922 par Winston Churchill pour rendre hommage aux soldats juifs.
Evoquant ensuite le souvenir du jeune Harry Levi, le Dr Pinchuk a rappelé : « Si son père, John Levi, n’avait pas offert à la synagogue qui venait d’être construite dans la bourgade de Harrogate, dans le nord du Yorkshire, ce Sefer Tora, personne ne se serait souvenu de lui plus de cent ans après sa mort ».
Il a ensuite souligné : « Son père n’a pas eu seulement l’idée de faire broder le nom de son fils sur le manteau du Sefer Tora qui depuis, a été remplacé, il l’a également fait graver sur deux plaques en cuivre qui ont été vissées sur les poignées du Sefer Tora, et sont restées intactes jusqu’à ce jour ».
Dans les années 2010, le Sefer Tora, après de nombreuses ‘pérégrinations’ en Angleterre, est ‘monté’ en Israël et est arrivé, après diverses étapes intermédiaires, dans une nouvelle communauté de Zih’ron Yaakov, qui avait besoin d’un Sefer Tora. Quelques années plus tard, en 2016, il a été accueilli dans un avant-poste près de Negohot, puis, en raison du Corona, il a servi à un groupe de fidèles priant dans une cour à Ramat Bet Shemesh ».
« J’ai participé à des prières organisées en plein air et c’est alors que les plaques apposées sur les poignées du Sefer Tora ont attiré mon attention », a révélé le Dr Pinchus. Cette découverte émouvante l’a incité à entamer des recherches approfondies sur ce soldat afin de pouvoir raconter son histoire.
« Harry Levi, dont le nom hébraïque était, semble-t-il, Hirsch Ben Arieh Leib, est né en 1890 à Manchester, en Angleterre. Il était le plus jeune fils d’une famille de dix enfants. Son père, John Levi, est décédé en 1925 et sa mère, Sofia, s’est éteinte en 1909. Il a fait sa scolarité à l’école primaire juive de Manchester et était le premier de sa classe. Il a ensuite achevé ses études de droit et a obtenu son diplôme d’avocat en 1911. Dès le début de son cursus, il a reçu un premier prix pour un mémoire qu’il avait rédigé sur le sujet suivant : « Les tribunaux pour enfants ». Son article a été publié en novembre 1908 dans le journal ‘Manchester Law Student’s Chronicle’.
« Par la suite, a-t-il poursuivi, il s’est engagé dans l’armée britannique dans le but de ‘servir son roi et son pays’, comme l’a rappelé l’un de ses camarades dans son oraison, et a atteint le grade de lieutenant. La veille de sa mort, le 29 novembre 1917, Harry Levi avait envoyé une lettre particulièrement émouvante au journal juif anglais ‘Jewish Chronicle’ pour parler des deux soldats juifs tués ce jour-là à Cambrai et qu’il avait lui-même enterrés. Il tenait ainsi à informer les familles des disparus et faire en sorte qu’on prie et qu’on récite le Kaddish pour honorer leur mémoire ».
Après ce récit biographique, le Dr Pinchuk s’est demandé si le mérite d’avoir enterré deux de ses coreligionnaires au milieu de la bataille n’avait pas joué en faveur de Harry Levi et permis qu’on se souvienne de lui un siècle plus tard. Bien entendu, il n’a pas pu donner de réponse à cette question. Mais l’on reste tout de même perplexe devant ce concours de circonstances …
Les documents et les photos nous ont été fournis par le Rav Dr Moshé Pinchuk, directeur du centre pour l’Héritage d’Israël au collège universitaire de Netanya. Voici le lien du site : https://www.netanya.ac.il/%d7%9e%d7%99-%d7%94%d7%99%d7%94-%d7%94%d7%90%d7%a8%d7%99-%d7%9c%d7%95%d7%99/
*La bataille de Cambrai est une bataille de la Première Guerre mondiale qui s’est déroulée du 20 novembre au 7 décembre 1917 aux environs de Cambrai.. Lors de cette offensive, les Britanniques ont utilisé pour la première fois en masse des chars d’assaut. Cette offensive, initialement une réussite, fut cependant largement entamée par la contre-offensive allemande (Wikipédia).