Qui était Esther Pollard ?

Esther Pollard est décédée ce lundi 31 janvier 2022, 29 Shevat, des suites d’un cancer à l’âge de 68 ans. Elle a été inhumée dans l’après-midi au Har Hamenouhot, dans le quartier de Guivat Shaoul, à Jérusalem, en présence de centaines de personnes.

Photo credit: Courtesy of Justice4JP (issue du site . https://www.jonathanpollard.org/2010/122110b.htm)

Sa personnalité touchait depuis longtemps de nombreux Israéliens, admiratifs du combat inlassable qu’elle menait en faveur de son mari bien aimé, l’agent israélien d’origine américaine Jonathan Pollard, pour obtenir sa libération. Mais qui était cette femme courageuse, qui a épousé Pollard il y a près de trente ans, alors qu’il purgeait une peine de prison à perpétuité aux Etats-Unis après avoir été condamné pour ‘espionnage au profit de l’Etat d’Israël’ ?

Rappelons que Pollard, libéré de prison depuis novembre 2015, n’avait pas été autorisé, dans un premier temps, à quitter les USA et ne jouissait pas d’une liberté totale, étant soumis à des contrôles permanents qui le limitaient dans ses mouvements et ses déplacements.

Le 30 décembre 2020, son avion a atterri à l’aéroport Ben Gourion et il a été accueilli, avec son épouse Esther, par le Premier ministre de l’époque Binyamin Netanyahou. Mais avant de saluer le chef de l’Etat, Jonathan et sa femme se sont agenouillés sur le sol pour embrasser avec ferveur la terre d’Israël. Ce geste avait profondément ému tous ceux qui en avaient été témoins.

Dans un long article consacré au couple, publié en mars 2021 dans le quotidien ‘Israel Hayom‘ par trois journalistes, Boaz Bismuth, Caroline Glick et Ariel Kahana, toute l’affaire est relatée ainsi que l’histoire de leur rencontre.

… « En 1990, Pollard a divorcé de sa première femme, Anne, qui avait été condamnée à cinq ans de prison mais n’a pas purgé toute sa peine en raison de problèmes de santé. Pollard connaissait Esther depuis sa jeunesse mais il ne l’a su que plus tard dans sa vie.

Esther Pollard, née Elaine Zeitz, a vu le jour au Canada et a grandi dans une famille juive orthodoxe. A la fin des années 1980, elle a enseigné l’anglais à l’Université Hébraïque de Jérusalem dans le cadre de la préparation de sa maîtrise ».

Esther a confié dans l’interview qu’un jour, alors qu’elle se trouvait à Jérusalem, quelqu’un lui a donné un vieil exemplaire du journal ‘Jewish Press‘ qu’elle a mis machinalement dans son sac sans y prêter attention. Mais le week-end suivant, alors qu’elle était dans un bus pour rendre visite à sa famille, elle a ressorti la feuille, et a commencé à la lire.    

Dans l’article qu’elle avait sous les yeux, elle a vu qu’on demandait au public d’écrire à Jonathan Pollard, qui était en prison aux USA. Elle ne savait pas qui était Jonathan et n’avait jamais entendu parler de l’affaire. Mais elle a pensé que ce serait gentil de répondre favorablement à cette requête. Puis elle a oublié ses bonnes résolutions.

Quelques mois plus tard, a encore indiqué Esther dans l’entretien, elle a retrouvé l’article juste avant son retour au Canada. Elle s’est alors assise dans une cafétéria et a commencé à écrire une lettre à Jonathan. Mais elle n’avait pas grand-chose à lui dire étant donné qu’ils ne se connaissaient pas. De retour au Canada, elle s’est mise à travailler sa maîtrise tout en prévoyant de faire son alyah.  Puis, un jour, deux lettres de Jonathan sont arrivées dans sa boîte aux lettres. Il avait numéroté les enveloppes, mais elle a lu d’abord la deuxième qui comprenait toutes les informations sur son cas avant la première, plus personnelle.

Ces deux missives ont profondément remué la jeune Esther, choquée par l’attitude des Etats-Unis et bouleversée par le fait que Jonathan, qui aurait pu être déçu, amer et en colère, avait écrit une lettre ‘remplie d’amour pour la terre et pour les gens, tellement pleine de lumière que j’en ai été époustouflée’.  

Esther a poursuivi : « J’ai emporté sa première lettre au travail le lendemain. Je travaillais dans un centre bilingue pour des enfants ayant des troubles d’apprentissage et des problèmes sociaux et émotionnels. J’ai montré la lettre à mon assistante, et j’ai dit : ‘c’est le genre d’homme que je pourrais épouser’. Elle m’a répondu : ‘Déjà? Une lettre et tu te maries?’ »

C’est à ce moment-là qu’Esther a entamé une longue correspondance avec Jonathan. « Donc, au cours des années suivantes, je lui ai écrit plus de 2 000 lettres, dont j’ai des copies. Il m’a répondu mais je n’ai jamais reçu ses lettres, jamais ». En fait, seules cinq d’entre elles lui sont parvenues car les autorités pénitentiaires les ont interceptées. Ils ont pu, en revanche, se parler assez souvent au téléphone et ont ainsi découvert qu’ils s’étaient rencontrés en Israël quand ils étaient jeunes, dans le cadre d’un programme pour la jeunesse juive de diaspora ».  

Israel Hayom continue : « Esther a alors consacré toute sa vie à Jonathan. Elle l’a influencé à devenir religieux et à devenir proche du rabbin Mordechai Eliyahou. Ils se sont mariés en 1993. Esther Pollard a fait son alyah en 2005, et pendant 10 ans, alors que les journalistes rapportaient qu’elle menait une vie de luxe aux frais du gouvernement, elle habitait dans un appartement d’une pièce qui lui avait été offert par une veuve de Jérusalem ».

« Je n’ai jamais voulu être son porte-parole », a encore affirmé Esther dans cette interview. « Je voulais être sa femme, je voulais être son amoureuse, je voulais être son amie. Je ne voulais pas être son porte-parole. Mais quand nous avons réalisé que la question était cruciale, et qu’il se heurtait à une véritable hostilité contre sa sortie de prison, il m’a dit : ‘Tu dois faire ça pour moi’ ».  Et c’est ce qu’elle a fait …