« Dites à mon épouse que j’ai rempli ma mission jusqu’au bout »

Eli Cohen est né le 26 décembre 1924 à Alexandrie en Egypte. Dès son plus jeune âge, il se joint à un mouvement de jeunesse sioniste de sa ville natale.

Il entame des études d’ingénieur à l’université Farouk d’Alexandrie, mais doit les abandonner, car au lendemain de la guerre d’Indépendance d’Israël, l’hostilité envers les Juifs se fait de plus en plus menaçante.

Au début des années 1950, il est employé par le Mossad (services secrets israéliens) dans le cadre d’une chaîne d’espionnage de jeunes Juifs égyptiens. En 1954, elle est démasquée par les services secrets égyptiens. Après avoir été soumis à un interrogatoire, Eli Cohen est libéré.

En 1957, il s’installe en Israël. Durant trois années, il gagne sa vie en tant qu’interprète et comptable.

Repéré par le Mossad pour sa connaissance de l’arabe et pour sa mémoire hors du commun, il est recruté en 1960.

Eli Cohen est tout d’abord envoyé en Argentine, afin que sa future identité fictive prenne forme. Il entre en Syrie en 1961 et débute ses activités secrètes. Rapidement, il réussit à s’infiltrer dans les cercles du pouvoir syrien sous le nom d’emprunt de Kamel Amin Tabet, se faisant passer pour un homme d’affaires et un riche héritier dont les parents ont fait fortune en Argentine et qui désire s’installer en Syrie. Il noue des relations amicales avec tous les dignitaires du régime et avec le Président syrien lui-même. Il devient le confident de toute la haute société syrienne, y compris du président.

Sa mission est un succès. Chaque jour, durant trois années, il communique ses renseignements en Israël, à l’aide d’un appareil de transmission dissimulé dans son appartement situé près de l’état-major syrien.

Les visites qu’il a effectuées dans le Golan ont eu un très grand impact sur la suite des évènements dans la région. En effet, le Plateau du Golan était plein de canons de longue portée et en cas de guerre, ces canons auraient pu causer d’importants dégâts en Israël. Eli Cohen a mémorisé leur emplacement exact, ce qui permettait à l’armée israélienne de les détruire d’emblée en cas de guerre. Il a même été sur le point d’être nommé adjoint du ministre de la Défense syrienne.

Mais il finit par éveiller les soupçons des services de renseignements syriens qui, grâce à un nouveau système de repérage d’émissions radios, ont réussi  à le surprendre un matin du mois de janvier 1965, au moment où il transmettait des messages secrets.

Jusqu’à ce jour, la mission qu’a effectuée Eli Cohen est considérée comme la meilleure de toutes les opérations menées par les agents du Mossad, mais elle a été également l’une des pages les plus tragiques de l’histoire du Peuple Juif et de l’Etat d’Israël car Eli Cohen a fini par être démasqué. Il a alors été jugé par une cour militaire et condamné à mort. Durant son procès, Israël a tenté de le sauver en proposant toutes sortes de transactions. Mais le régime de Damas les a repoussées, de même que toutes les interventions d’instances internationales qui avaient intercédé en sa faveur.

Avant sa mise à mort, Eli Cohen a déclaré au rabbin qui lui a rendu visite : « Dites à mon épouse que j’ai rempli ma mission jusqu’au bout ». Quatre mois après son emprisonnement durant lequel il avait été torturé, il a été pendu sur une place publique de Damas le 18 mai 1965, 16 Iyar. Sa mise à mort a été retransmise en direct par la télévision syrienne. Il avait 41 ans.

Eli Cohen, marié à Nadia, avait trois enfants.

Durant des années, on s’est posé des questions au sujet des conditions qui ont mené à son arrestation. Plusieurs éventualités ont été étudiées et des accusations ont été  portées à l’encontre du service de sécurité israélien. Une part de responsabilité a été imputée à ceux qui l’avaient envoyé en mission, car après la dernière brève visite qu’il a effectuée en Israël, Eli Cohen a été renvoyé en Syrie, après avoir confié qu’il craignait d’être découvert sous peu.

C’est sans doute grâce à lui et à d’autres espions dans les pays arabes, que la guerre qui fut déclarée à l’Etat d’Israël sur tous les fronts à la fois, en 1967, n’a duré que six jours et s’est terminée par une victoire israélienne éclatante.

Les prisonniers syriens ont été proposés en échange du corps d’Eli Cohen, mais aucun des chefs d’Etat syriens n’a jamais accepté de rendre la dépouille du personnage qui s’était joué de tous les dirigeants syriens.

A maintes reprises, la famille d’Eli Cohen a tenté de faire rapatrier sa dépouille en Israël. Nadia, sa veuve, a adressé des lettres au Président Hafez el Assad, puis à son fils Bachar, mais elle n’a pas obtenu gain de cause.

Tous les dirigeants israéliens ont demandé officiellement que la dépouille d’Eli Cohen soit rapatriée, mais la Syrie a toujours opposé son refus.

Eli Cohen est devenu un héros israélien légendaire. Il est mort pour sa patrie au cours d’une mission particulièrement audacieuse et dangereuse. Toutefois, selon Nadia Cohen, de nos jours, la jeunesse israélienne ne sait que très peu de choses sur l’exploit de son mari : « Apparemment, des mythes tels que celui-ci sont vite oubliés et cela m’attriste profondément »

En 2003, le chef du cabinet du président syrien fut interviewé au sujet de l’affaire d’Eli Cohen. Il a rapporté que peu de gens connaissaient l’endroit où Eli Cohen était enterré et que sa tombe était sérieusement gardée. Il a tenté d’amoindrir l’ampleur de la réussite de la mission de l’espion d’Israël et affirmé que les informations qu’il avait divulguées étaient ‘sans grande importance’. C’est la première fois qu’une personnalité officielle du pouvoir syrien faisait allusion à cette affaire qui l’avait couvert de honte. Il ne s’en est d’ailleurs jamais remis et l’on raconte que les dirigeants syriens (et arabes en général) sont devenus complètement paranoïaques et croient toujours qu’ils sont épiés, traqués et surveillés par le Mossad.